Récemment, j’ai commencé à m’intéresser à la mythologie grecque. Je me suis découvert une réelle passion pour tous ces personnages légendaires. Je ne connaissais pas vraiment ces mythes, je les connaissais de loin, je situais Zeus et Poséidon, mais c’était à peu près tout. Ce que j’aime assez avec le fait d’avoir commencé à m’y intéresser maintenant, c’est que je peux lire ces histoires sous un spectre féministe et me rendre un peu plus compte de la présence des stéréotypes de genre.
Les figures féminines, par exemple, y sont dépeintes tantôt jalouses, irascibles et séductrices, tantôt naïves, passives et jetables. On fait, une fois encore, face à la dualité qui poursuit les femmes aujourd’hui encore dans nos représentations actuelles. Les problématiques présentes sont pour beaucoup toujours d’actualité et la façon dont les mythes sont généralement racontés montre également qu’il n’y a pas eu de remises en question des comportements des différents protagonistes.
Quelques petites infos avant de commencer :
• Trigger Warning : viol
• J’utiliserai les termes « femme » et « homme » dans l’article, car ce sont les genres qui ont été attribués aux déesses, dieux et mortel·le·s.
• J’ai également dû faire des choix au niveau des personnages dont je parlais, parce que je ne sais pas si vous vous êtes déjà intéressé·e·s à la mythologie grecque, mais c’est quand même un sacré bordel pour s’y retrouver, donc tous les protagonistes n’apparaîtront pas.
• Je me baserai généralement sur les versions des mythes de la Théogonie, d’Hésiode, mais il y en a plusieurs, donc si ça vous intéresse je vous conseille d’aller tout checker par vous-même et regarder quelle(s) version(s) vous intéresse(nt) le plus 😊
Ce qui m’a choquée en premier : les viols banalisés
Lorsque la mythologie grecque a commencé à titiller ma curiosité, c’est lorsque je suis tombée par hasard sur la série de vidéos Les Grands Mythes, d’Arte. J’ai regardé, entre autres, la vidéo sur Persée, fils de Danaé et Zeus. Lorsque le narrateur parlait de la façon dont l’union de ces derniers avait été faite, il a simplement dit que Danaé avait été enfermée dans une tour par son père (chouette ambiance dès le départ) et que Zeus, ne pouvant y accéder, s’était transformé en pluie afin de la féconder. Et, 9 mois plus tard, Persée était né, sans que ça ne choque réellement personne. Plusieurs œuvres d’art représentent d’ailleurs cette scène et, très souvent, Danaé est représentée comme une femme sensuelle, avec une pose lascive et pleine d’envie.
Ici, on peut voir la pluie enlacer Danaé, pluie étant d’ailleurs représentée par des pièces d’or, ce qui représente, selon certaines analyses, la vénalité de la femme. Yey.
Sauf que la réalité est bien moins sensuelle que ce qu’on nous montre ou raconte. Danaé, enfermée, seule, sans défense, se retrouve être fécondée à son insu par Zeus. Je ne sais pas vous, mais moi j’appelle ça un viol. Zeus est ce qu’on pourrait appeler un serial violeur, car ce n’est ni la première, ni la dernière femme qu’il a fécondé sans son accord. Mais très souvent, les viols sont tus ou bien rapidement évoqués. Il use quasiment à chaque fois de ruses pour abuser des femmes, déesses ou mortelles, qu’il convoite.
Zeus est ce qu’on pourrait appeler un serial violeur, car ce n’est ni la première, ni la dernière femme qu’il a fécondé sans son accord. Mais très souvent, les viols sont tus ou bien rapidement évoqués. Il use quasiment à chaque fois de ruses pour abuser des femmes, déesses ou mortelles, qu’il convoite.
Son premier viol a été perpétré sur sa mère, Rhéa. Cette dernière lui avait interdit de se marier à nouveau, à cause de son instabilité sentimentale et sexuelle (il a rusé pour amener sa première femme, Métis, à se métamorphoser en goutte d’eau, afin qu’il puisse l’avaler et, ainsi, la tuer ; tout ça parce qu’une prophétie lui avait annoncé que son fils le détrônerait). Furieux que Rhéa se permette de lui dicter une telle chose, il la menaça de la violer. Celle-ci, refusant de se laisser faire, se transforma en serpent. Zeus fit de même, s’enroula autour de sa mère et la viola. Boum, début d’une longue série de viols.
Par la suite, il utilisa les femmes, s’unissant avec elles pour leurs savoirs et compétences. Une fois qu’il en avait assez appris, il les répudiait, car elles ne lui servaient plus à rien. Il s’est métamorphosé à de multiples reprises en animaux (oisillon, taureau blanc, cygne, aigle) ou en d’autres personnes, généralement les époux de ses proies, afin d’amadouer les déesses et mortelles qui lui plaisaient, pour finalement les violer.
Et, cherry on the top, il vit en toute impunité. Étant le roi des dieux, détenant le pouvoir suprême, personne n’ose se confronter à lui. Viols, féminicides, infidélité, rien ne le rattrape jamais. On se croirait presqu’à Hollywood 🙄
Héra, son épouse (et accessoirement sa sœur), protectrice des femmes (souvenez-vous en, ce sera important pour la suite) et déesse du mariage, super vnr des frasques de son époux, va donc faire son possible pour punir les femmes qu’il a fécondées. Donc l’homme continue de vivre sa vie pépouze parce qu’il a du pouvoir et que c’est lui qui décide, il se permet de faire du mal aux femmes et de les mettre dans des situations sacrément merdiques. En plus de ça, ces dernières sont punies par l’épouse de celui qui leur fait du mal, parce que bon c’est quand même un peu de leur faute si Zeus s’est laissé tenter.
Un jour, il a posé son dévolu sur Callisto, une nymphe servante d’Athéna, déesse de la chasse et de la chasteté. Donc Callisto a bien évidemment, elle aussi, décidé de rester vierge et aucun homme n’était autorisé auprès des servantes d’Athéna. Donc, ce petit malin de Zeus, qu’est-ce qu’il fait ? Il se métamorphose en Athéna, séduit Callisto, puis la féconde. Quelques mois après oops Callisto se rend compte qu’un enfant est en route. Athéna découvre la grossesse de Callisto, qui elle-même a fini par comprendre que c’était un coup monté de Zeus, mais Athéna n’en a que faire. Elle chasse Callisto et la poursuit pour la tuer. Zeus, grand seigneur, transforme Callisto en ours et la cache dans les montagnes, mais Athéna la retrouve quand même et la tue (en même temps c’est une chasseuse, il aurait peut-être fallu trouver un meilleur moyen de la cacher). Zeus récupère alors la dépouille de Callisto et la dispose dans le ciel, ce qui donna la constellation de la grande ours. Ouais. Ouais quand même. Donc maintenant vous saurez que quand vous regarderez la grande ours, vous y verrez le cadavre d’une femme violée qui a été punie pour avoir été manipulée. Ambiance.
Zeus est donc dépeint comme un homme puissant et viril, incapable de contrôler ses pulsions. Il utilise les femmes pour étendre sa progéniture et prendre du plaisir (quoi que, je sais pas à quel point tu prends du plaisir en tant que pluie).
Dans la famille Je-suis-victime-de-viol-et-je-suis-punie-pour-ça, je demande Méduse. Elle aussi a été pas mal gâtée par le patriarcat. Très belle jeune femme, dont s’est épris Poséidon, dieu de la mer et des océans, elle a été enlevée par ce dernier, qui s’est avant ça transformé en oiseau pour la mener (de force donc) jusque dans le temple d’Athéna. Là-bas, Méduse, pas très chaude à l’idée d’un coït avec Poséidon, a subi le même sort que toutes ces femmes à qui l’on n’a pas demandé leur avis. Poséidon l’a donc violée et ce pendant une journée entière. Athéna, profondément outrée qu’un tel acte ait lieu dans son temple (parce que c’est la déesse de la chasteté, si vous avez bien suivi), décide donc de punir… La victime de viol. Mais pas le violeur. Elle transforme ainsi Méduse en gorgone, ce monstre hybride avec des ailes dorées, des serpents à la place des cheveux et dont le regard transforme en pierre toute personne qui la regarde dans les yeux. Il y a une autre version selon laquelle Athéna a transformé Méduse pour la protéger afin qu’elle ne se fasse plus jamais abuser, mais, entre nous, il y avait peut-être un meilleur moyen de la protéger que de faire en sorte de l’isoler à tout jamais. Surtout qu’à mon avis, cette version ne tient pas au vu de la suite de l’histoire. Bah oui, y’a une suite, elle allait quand même pas s’en sortir comme ça.
Autrefois poursuivie pour sa beauté, elle est désormais poursuivie pour être tuée parce que c’est un monstre. Top. Moult personnages ont essayé de tuer cette affreuse créature, mais c’est Persée (fils né du viol de Danaé par Zeus, donc) qui réussira à lui trancher la tête, grâce à l’aide, notamment, de… ATHENA, QUI D’AUTRE ! La meuf a déjà brisé sa vie, donc pourquoi pas en plus de ça faire en sorte d’aider celui qui veut sa peau, hein. C’est pour ça que je trouve que la thèse du « je l’ai transformée seulement pour son bien » ne joue pas. Bref, Persée tranche la tête de Méduse de manière assez easy peasy, la garde, et une fois qu’il a vécu plein d’aventures et transformé plein de gens en pierre (parce que les pouvoirs du regard de Méduse sont toujours on point), il donne la tête de Méduse à Athéna. Cette dernière va la poser sur son bouclier, pour bien faire comprendre aux gens qu’il faut pas trop la chercher, ainsi que pour se protéger. Donc, en gros, elle rend impossible la vie de Méduse, elle fait en sorte d’aider quelqu’un à la tuer, pour au final s’emparer de son pouvoir. Bien joué.
Morale de l’histoire : ne vous faîtes pas violer ou vous risquez très certainement de vous retrouver morte.
Méduse représente ainsi tous les drames qui peuvent arriver quand on est une femme : drame de la beauté, de la chair et vanité des autres femmes.
Ce que je trouve hyper intéressant dans ces mythes, c’est qu’on retrouve exactement les mêmes problématiques qu’actuellement, notamment le fait que le viol reste encore aujourd’hui banalisé. En Suisse, 22% des femmes de plus de 16 ans ont déjà subi des actes sexuels non consentis et elles sont 12% à avoir eu un rapport sexuel contre leur gré. Ça fait 800'000 femmes, rien qu’en Suisse. Sauf que ça c’est bien évidemment seulement la pointe de l’iceberg, car il reste toutes celles et tous ceux n’ayant pas osé parler, n’ayant pas osé porter plainte, parce que justement le viol est banalisé : on apprend aux victimes à avoir honte, on les culpabilise, on leur demande si elles avaient bu, on leur dit qu’elles exagèrent, on leur dit attention à ce que tu dis faudrait voir à pas détruire la réputation du gars, on leur dit qu’elles devraient être flattées. Ceci vient aussi du fait qu’on s’imagine un prototype du violeur, quelqu’un sorti de nulle part, qu’on ne connaît pas, qui nous agresserait violemment dans une ruelle sombre. Alors que dans 91% des cas, la femme victime de viol connaît la personne qui l’a violée et dans 47% des cas, l’agresseur est le conjoint ou l’ex-conjoint (La lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n°13, Novembre 2018).
En Suisse, 22% des femmes de plus de 16 ans ont déjà subi des actes sexuels non consentis et elles sont 12% à avoir eu un rapport sexuel contre leur gré. Ça fait 800'000 femmes, rien qu’en Suisse.
Et c’est ainsi qu’on va banaliser les viols : c’est pas du viol si vous êtes en couple, cette personne tu la connais donc ça peut pas être un viol, cette personne est sympa, elle fait des études, elle est propre sur elle, elle ne peut décemment pas être un·e violeur·euse, arrête d’exagérer. Entre alors également en compte la culpabilisation de la victime, plutôt que de celle du coupable. On punit la personne qui a été violée, on cherche des justifications au viol. Une étude de 2016 faite en France avait montré que 21% des sondé·e·s pensaient qu’une femme prenait du plaisir lors d’un rapport forcé, que 40% pensaient que la responsabilité du viol était celle de la femme lorsqu’elle avait une attitude provocante en public, que 27% lui attribuait la responsabilité si elle portait une tenue sexy. Et ce sont des études concernant la perception des femmes victimes de viol, ce qui laisse de côté un pan entier des personnes victimes de viol, qui sont les hommes. Sujet parfois même plus tabou que le viol des femmes. Dans l’imaginaire collectif, le viol sur un homme n’existe pas. L’homme est perçu comme une bête pulsionnelle avide de sexe (coucou Zeus) et les commentaires suivant le témoignage d’un homme victime de viol sont pour beaucoup condescendants et moqueurs, parce que le gars devrait être content qu’on ait voulu coucher avec. En Suisse, selon la loi, un homme ne peut pas être violé, ce qui en dit long sur les idées reçues concernant cette problématique.
Une étude de 2016 faite en France avait montré que 21% des sondé·e·s pensaient qu’une femme prenait du plaisir lors d’un rapport forcé, que 40% pensaient que la responsabilité du viol était celle de la femme lorsqu’elle avait une attitude provocante en public, que 27% lui attribuait la responsabilité si elle portait une tenue sexy.
La personne victime de viol est donc très souvent socialement punie, jugée, blâmée, alors que le·la coupable continuera de vivre en toute impunité.
Les récents événements ayant amené au mouvement #MeToo ont prouvé à quel point la culpabilisation des victimes et l’impunité des coupables étaient encore très présentes. Après le scandale de l’affaire Harvey Weinstein, les réactions de la plupart des gens ont bien montré que toutes les victimes de viol avaient été remises en question dans leur honnêteté. « Pourquoi elle a attendu jusqu’à aujourd’hui pour en parler ? Ouais mais en même temps ça l’a bien arrangée de jouer dans des films. De toute façon c’est juste pour la fame ».
Tout le monde savait. Personne n’a rien dit. Parce qu’on se retrouve face à un homme qui a du pouvoir, qui est en capacité de détruire des carrières et des vies. Alors tout le monde ferme les yeux. Et quand, enfin, les personnes ayant été victimes de ses agissements osent prendre la parole, on leur prouve pourquoi elles ont bien fait de se taire et de souffrir en silence toutes ces années : on ne les croit pas.
Un autre truc assez sympa dans la mythologie grecque : zéro sororité
Autre chose qui ressort beaucoup dans les différents mythes, c’est le manque de solidarité entre les femmes, que ce soit entre déesses ou entre déesses et mortelles.
Il y a un énorme esprit de compétition entre elles et c’est généralement pour être la seule aux yeux des hommes.
On nous dépeint des portraits de femmes vaniteuses, criant à la Terre entière à quel point elles sont les plus belles, ainsi que des portraits de femmes jalouses punissant leurs rivales.
L’histoire d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté, en est un bel exemple. Un jour, Myrrha, fille du roi de Chypre, déclare être si belle qu’elle n’a plus besoin de continuer à vénérer Aphrodite. La déesse, piquée dans son égo, décide de punir l’insolence de Myrrha. Elle lui inspire du désir pour son propre père et, le soir même, Myrrha se glisse dans les draps du roi. Son père, envoûté par Aphrodite, ne se rend pas compte que c’est sa propre fille. Les deux entretiennent alors une relation de 12 jours et 12 nuits. Après cette période, son père se réveille de cet enchantement et se rend compte de ce qu’il vient de faire. Croyant à un piège de la part de sa fille, il dégaine son épée, demande pardon aux dieux pour ce qu’il s’apprête à commettre, et se met à la poursuite de sa fille, afin de la tuer, avant de se supprimer. Myrrha implore les dieux. Zeus, ému par son sort (ça aurait été cool d’être aussi ému du sort des femmes que t’as violé, by the way), la change en arbre, afin de l’épargner. 9 mois plus tard, l’arbre se fend en deux et Adonis en naît. Aphrodite, témoin de la scène, tombe direct amoureuse d’Adonis et sait d’avance qu’il sera son amant (awkward).
La vanité de la femme quant à sa beauté est ainsi punie, et pas n’importe comment : inceste, puis mort sans aucun échappatoire. Bon, elle aura au moins rempli son rôle de femme en nous pondant quand même un gosse, malgré sa condition d’arbre.
Aujourd’hui encore, on aime « complimenter » les femmes sur leur physique, sur leur beauté, mais ce qu’on aime par-dessus tout, c’est que la femme soit modeste et ne soit pas consciente de sa beauté. C’est une règle sociale implicite de faire comme si on ne connaissait pas sa valeur lorsque quelqu’un·e nous complimente. En 2017, l’écrivaine activiste et travailleuse sociale Feminista Jones a lancé un mouvement sur Twitter, consistant à dire aux femmes d’accepter les compliments que les hommes leur faisaient. La réaction des hommes était d’automatiquement revenir sur leur compliment, car une femme se doit de n’avoir aucun amour pour elle-même. Combien de fois a-t-on d’ailleurs entendu dire, ou même dit, « ouais elle est belle, mais elle le sait, donc ça gâche toute sa beauté ». BAH NON BORDEL ! Elle est belle, elle s’en rend compte ET TANT MIEUX ! YOU GO GIRRRL ♥️
Aujourd’hui encore, on aime « complimenter » les femmes sur leur physique, sur leur beauté, mais ce qu’on aime par-dessus tout, c’est que la femme soit modeste et ne soit pas consciente de sa beauté. C’est une règle sociale implicite de faire comme si on ne connaissait pas sa valeur lorsque quelqu’un·e nous complimente.
Malheureusement, on vit encore avec cette idée qu’une femme sera toujours perçue comme étant plus belle si elle n’est pas au courant de sa beauté. Ce qui entretient l’idée qu’une femme doit ne pas avoir confiance en elle. Et c’est comme ça que la société nous tient encore 😉
Revenons à Aphrodite. Après toute cette histoire avec Myrrha, Adonis et après plein d’autres aventures, Aphrodite se rend à un mariage divin, lors duquel Eris, la déesse de la discorde (remarquez que c’est une déesse de la discorde et non un dieu), se ramène, vexée de ne pas avoir été invitée. Pour se venger (les femmes sont rancunières, c’est connu), elle décide de créer un peu de drama et lance sur la grande tablée une pomme d’or, sur laquelle est écrit « Pour la plus belle ». Aphrodite se lève pour aller la chercher, sauf qu’Héra (l’épouse et sœur de Zeus, qui punit les femmes violées par son mari) et Athéna (celle qui coupe la tête de Méduse et qui punit Callisto d’avoir été violée par Zeus), se lèvent elles aussi, voulant prouver que non non, c’est elles les plus belles.
On se retrouve donc avec le trio des meufs ultra bienveillantes, on se doute que ça va bien finir. Tout ça fait un peu des histoires, donc Zeus, toujours là pour avoir les bonnes idées, décide qu’il faut laisser un mortel décider de qui est la plus belle, parce que lui il a pas tellement envie de s’en mêler. Il demande donc à Pâris, prince de Troyes, de trancher (les avis, pas la pomme). Bon, lui non plus sait pas trop et au final il est bien incapable de dire laquelle il préfère. Héra, maligne et voulant absolument gagner, lui dit que s’il la désigne comme étant la plus belle, elle lui donnera un royaume. Athéna renchérit en lui offrant d’être le plus grand héro que la Terre ait connue.
Aphrodite, elle, lui dit que si c’est elle qui triomphe, elle lui offrira la main de la femme qu’il aime et accessoirement la meuf la plus belle du monde askip, Hélène de Sparte (Sparte – Troyes, vous sentez les problèmes qui arrivent ?). Pâris, tout feu tout flamme, choisit donc Aphrodite, qui lui donne sa ceinture un peu magique, qui rend supra désirable toute personne qui la porte. Hélène devient donc folle de désir pour Pâris (tiens, encore une fois on lui a pas trop demandé son avis, on lui a juste joué un petit tour), qui la kidnappe le jour-même (pas l’temps d’niaiser). Et d’ici naît une guerre qui durera 10 ans, la guerre de Troyes. D’ailleurs, dans certains récits, on n’hésite pas à dire que « seule Aphrodite était capable d’inspirer une telle guerre ». Ou bien sinon on rend sa responsabilité à Pâris, qui a déclenché une guerre parce qu’il a décidé d’écouter ses pulsions et son égo, au lieu de sa raison (ou la meuf concernée).
Hélène devient donc folle de désir pour Pâris (tiens, encore une fois on lui a pas trop demandé son avis, on lui a juste joué un petit tour), qui la kidnappe le jour-même (pas l’temps d’niaiser). Et d’ici naît une guerre qui durera 10 ans, la guerre de Troyes. D’ailleurs, dans certains récits, on n’hésite pas à dire que « seule Aphrodite était capable d’inspirer une telle guerre ».
Comme on peut le voir, il y a une grande présence de l’objectification de la femme. Ici avec Hélène, qui est instrumentalisée par deux hommes, qui se la disputent, sans jamais lui avoir demandé son avis. Ici, le personnage d’Hélène alimente également l’idée que la femme est dangereuse, car elle provoque des drames, même sans le vouloir, puisqu’elle est au cœur d’une guerre, tant elle a rendu fou ces deux hommes.
Cette histoire de vanité des 3 déesses peut être liée au fait qu’aujourd’hui encore on se doit d’être constamment la plus belle, la plus attirante, la plus jeune, la plus stylée. Une compétition implicite a été créée entre les femmes, et découle généralement sur le fait qu’elles ne s’aiment pas tellement entre elles. Certaines préfèrent même avoir des amies moins belles qu’elles, pour constamment briller. Du coup on va, à nouveau, blâmer les femmes parce que sérieux c’est pas très mature ça comme comportement. Sauf que si ces comportements existent, c’est pour plaire à l’homme. La femme a pour vocation de provoquer du désir chez l’homme, d’être belle à ses yeux, de l’attirer. C’est pour ça que les relations entre femmes sont souvent compliquées, parce qu’il faut toujours être validée par le regard masculin, le regard du groupe dominant dans la société. Et pour ça, c’est chouette de rabaisser les autres femmes (ou de les ensorceler pour qu’elles couchent avec leur père, au choix). Ceci découle tout droit de l’objectification que l’on fait du corps de la femme. L’homme doit posséder la femme, qu’elle le veuille ou non, et la femme doit se battre pour être possédée par l’homme.
On voit donc une sororité inexistante dans ces diverses histoires précitées. Cependant, on se rend compte que beaucoup de déesses aident les différents héros (mâles, of course) dans leur quête. Par exemple, pour reprendre l’histoire de Méduse, Athéna qui aide Persée à la tuer. Mais l’histoire se souvient surtout des héros, plus que de l’aide que les déesses leur ont apporté.
La femme, coupable de tous les maux
Autre chose qui revient souvent, c’est la culpabilisation des figures féminines. Comme on l’a vu précédemment, elles sont souvent perçues comme étant coupables de leur viol ou encore des actes qu’elles ont commis sous manipulation, mais elles ne sont pas seulement responsables de ce qui leur arrive à elles-mêmes, mais aussi de ce qui arrive aux autres. Et quand c’est aux autres, c’est pas genre 3 péquenauds, c’est plutôt de l’envergure de l’humanité.
On se rend tout d’abord compte que les éléments négatifs sont attribués à des déesses plutôt qu’à des dieux : Eris, citée plus haut, est la déesse de la discorde, Achlys est la déesse du poison et des malheurs et Até est la déesse des fautes et de l’égarement.
Gaïa, déesse de la Terre, et ainsi première déesse, a un rôle plutôt cool puisque c’est la mère d’à peu près tout le monde, mais elle est parfois décrite comme étant « solitaire, parce que personne ne l’aime et elle n’aime personne ». Forcément, c’est une femme ayant un certain pouvoir, donc on la rend moins appréciable. Hé, on peut pas tout avoir.
Comme dit plus haut, Aphrodite et Hélène sont responsabilisées pour la guerre de Troyes, alors que c’est une guerre ayant été provoquée par l’égo de deux hommes voulant posséder une femme. Plus tôt dans son histoire, Aphrodite est surprise en train de tromper son mari. Ce dernier, découvrant la vérité, tend un piège à Aphrodite et son amant Arès, puis ramène tout l’Olympe (le paradis des dieux et déesses), afin que les deux soient bien humilié·e·s devant l’entièreté des dieux et déesses. Aphrodite, qui a bien la mort, décide ainsi de se venger, en insufflant un vent d’infidélité chez les dieux et déesses. Je trouve hyper intéressant cette façon d’attribuer à des forces divines les erreurs de l’être humain ou bien même des phénomènes naturels inexplicables à l’époque. Un exemple de ça pourrait être les tsunamis, expliqués par la colère de Poséidon, dieu des mers et océans, parce que jadis on ne savait pas tellement ce qu’était ces phénomènes, ni comment les expliquer. Et c’est encore plus intéressant de voir que des choses telle que l’infidélité soient mises sur le dos d’une divinité qui est, en plus, une femme, alors qu’il y a ce stéréotype dans l’inconscient collectif selon lequel ce sont les hommes qui sont infidèles.
Et, enfin, ce que je trouve encore plus parlant en termes de responsabilisation et culpabilisation de la femme, c’est l’exemple de Pandore. Pandore a été créée par les dieux et déesses, puis offerte à un Titan (femme-objet bonjour). Les dieux et déesses lui donnèrent différentes caractéristiques : la beauté, la persuasion, la jalousie, etc. Avant d’envoyer Pandore à son époux, Zeus lui avait offert une boîte mystérieuse, qu’il lui avait interdit d’ouvrir. Pandore a fini par succomber à la curiosité que lui avait donné Hermès, messager des dieux, et a ouvert la fameuse boîte interdite. Elle a alors découvert que cette boîte renfermait tous les maux de l’humanité, notamment la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, la mort, le vice, la tromperie, la passion, l'orgueil, ainsi que l'espérance. Bref, chouette programme.
On peut rapprocher ce mythe de l’histoire d’Adam et Ève, selon laquelle Ève, qui n’a pas su résister à la tentation alors qu’on l’avait bien prévenue qu’il ne fallait pas toucher à cette foutue pomme, condamnera tout·e·s ses descendant·e·s à vivre et mourir dans la souffrance.
Vous saurez donc que si vous allez mal un jour dans votre vie, il y a de grandes chances que ce soit la faute d’une femme. 😉
En résumé, tout ce qui est lié à l’Histoire c’est passionnant, mais c’est essentiel que ce soit mieux raconté
Le problème ici n’est pas le fait que ces mythes existent ou la place des figures féminines. Le problème est plutôt la manière dont ces mythes et, de manière générale, tous les éléments historiques, peuvent être racontés aujourd’hui encore. Il est important de relire l’Histoire sous une dimension plus égalitaire, afin d’éviter de continuer à perpétuer des stéréotypes de genre et plus généralement des stéréotypes liés à tous les groupes sociaux.
Un élément historique que l’on étudie par exemple à l’école est le fait que Robespierre était l’une des figures principales de la révolution française de 1789. Il est assez controversé, mais certain·e·s peuvent le voir comme un défenseur de la démocratie et de la justice sociale (lol). Alors qu’en fait, loin de là, ou plutôt de la justice sociale bien spécifique. Parce que le petit Robespierre était ce qu’on peut appeler un masculiniste, bien comme on les aime. D’ailleurs, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen s’adresse effectivement aux hommes et aux citoyens, mais pas aux femmes et aux citoyennes. Sauf que ce n’est pas quelque chose qui va être précisé en cours d’histoire, car on se concentre généralement sur l’Histoire vécue par les hommes et racontée par les hommes.
L’Histoire, les mythes et autres doivent donc continués d’être racontés, mais d’une manière plus juste, moins centrée sur les hommes, moins hétérocentrée, moins européocentrée et surtout avec une remise en question en lien avec nos valeurs actuelles.