Pendant l’enfance
J’ai 5-6 ans. Je m’amuse à incarner les personnages féminins que je vois à la télé, j’aime jouer à faire la dame. Pour ça, je mets deux balles sous mon t-shirt, parce que j’ai beau être très jeune, j’ai déjà compris que c’est à ça qu’on reconnaît une femme adulte : à ses seins. Je suis encore une enfant, mais ce sont des représentations que j’ai déjà internalisées. Je sais déjà à quoi une femme, une vraie femme, doit ressembler. Elle doit être mince, avec une taille fine, mais doit avoir de gros seins et des fesses fermes. Pas de cellulite, surtout pas de poil, être grande, mais pas trop (ou disons pas plus que son amoureux). C’est plus joli si sa peau est dorée, bronzée, pas trop blanche parce que ce n’est pas beau, mais pas trop foncée non plus, parce que c’est différent.
Pour l’instant, je remplis toutes les cases d’une jolie petite fille : fine, avec un joli petit minois, la peau mate. Jusqu’à mes 3 ans, mes cheveux faisaient de belles boucles, maintenant que je les ai coupés ils sont tout lisses. Dès que je vais quelque part avec mes parents, les gens leur disent à quel point ils·elles me trouvent belle. Je les crois, bien que je n’y porte pas une grande importance. Je ne suis pas encore consciente qu’il y a des personnes qui ont plus ou moins de valeur, selon leur apparence physique.
A l’adolescence
J’ai 12 ans. Je suis dans ma salle de bain, prête à prendre ma douche, quand, lorsque j’enlève mon t-shirt, je m’aperçois que ma poitrine commence à pointer le bout de son nez. Je me lance immédiatement dans une danse de la joie, en créant une ode à mes seins tout neufs. Ils sont apparus du jour au lendemain. Je les ai tellement attendus. Tellement souhaités. Ça fait déjà plusieurs années que je m’imagine plus grande, avec une poitrine. J’ai toujours cru qu’il y avait un moment dans la vie où l’on devait choisir à quoi ressemblerait notre poitrine, selon nos préférences.
Mes copines à l’école commencent à en parler aussi, elles sont gênées, honteuses. Je suis la seule à en être extrêmement fière. Je les observe tous les jours, pour voir s’ils ont à nouveau poussé. Pour l’instant, rien. Je me dis qu’il leur faudra du temps, que je suis encore jeune, que c’est normal.
Et puis un jour, en cours de biologie, notre prof nous dit que la taille de notre poitrine est génétique. Je me souviens de ce jour de manière encore si précise. C’est le jour où j’ai appris, où j’ai compris, que la taille de mes seins ne serait jamais plus grande que celle que j’ai actuellement, parce que les femmes de ma famille du côté maternel n’ont pas beaucoup de poitrine. Je n’aurais jamais des seins d’adulte, j’aurais toujours ceux de mes 12 ans. Ceux d’une fillette et non ceux d’une femme.
C’est aussi à cet âge-là que les critiques et les moqueries ont commencé. C’est à cet âge-là que ma descente dans l’enfer du dégoût de soi a commencé. En plus de ne pas avoir de seins, j’ai toujours été très mince, limite maigre. Ça ne m’a jamais posé problème jusqu’à cet âge-là, parce que je ne me rendais pas compte du fait que ce pouvait être un défaut. J’étais juste une petite fille en bonne santé, qui a toujours mangé à sa faim, sans se forcer.
C’est aussi à cet âge-là que les critiques et les moqueries ont commencé. C’est à cet âge-là que ma descente dans l’enfer du dégoût de soi a commencé.
A cet âge-là, on m’a donc dit que j’étais une planche à pain, que j’étais plate, on m’avait surnommée “maigrichou”, parce que je n’avais ni seins, ni fesses. Toutes les filles autour de moi commençaient à avoir des formes, à voir leur corps changer. Le mien ne bougeait pas. Les garçons (et très certainement des filles aussi, mais qui ne le disaient pas) ont commencé à fantasmer sur les grosses poitrines. Je suis passée de la toute petite fille toute jolie à l’ado toute plate, avec des poils et de l’acné. Oui, parce qu’un bonheur ne venant jamais seul, il a aussi fallu que j’aille une pilosité importante et des boutons sur la face. Donc, en plus de me faire des réflexions sur mes seins inexistants, on m’en a également fait sur ma moustache et mes poils sur les bras, qu’on appelait déjà “poils de garçon”, lorsque j’avais moins de 10 ans.
C’est donc à cet âge-là que j’ai commencé à comprendre que je n’aurais jamais aucune valeur en tant que femme.
J’ai 15 ans. Nous sommes 2 dans ma classe à ne toujours pas avoir beaucoup de poitrine. Nous sommes donc les 2 victimes de réflexions. Ma copine me dit un jour ”ils·elles se moquent de nous aujourd’hui, mais tu verras quand on aura 16 ans et qu’on sera bonnes, ils·elles auront la haine”. Et elle avait raison, en ce qui la concerne. Car je sais déjà que, pour ma part, je ne serai jamais “bonne”, en tout cas pas selon la société. Puis, quand nous avons eu 16 ans, elle m’a effectivement laissée toute seule dans la team #NoBoobs.
Au même âge, je me suis rendue chez le médecin pour lui demander comment prendre du poids, car je commençais de plus en plus à complexer du fait d’être aussi mince et je ne me trouvais pas normale de ne pas réussir à prendre du poids. Je me suis rendue là-bas de moi-même, en détresse, et sa seule réponse a été de me demander, de manière plus ou moins implicite, si je me faisais vomir à la fin des repas. Quand je lui ai répondu, surprise, que non, il m’a conseillé de manger une bouchée de plus à chaque repas. Peut-être aurait-il pu tout simplement me dire que je n’avais pas à me soucier de mon poids, l’important n’étant pas mon apparence mais ma santé.
Les débuts de l’âge adulte
J’ai 19 ans. Je commence à sortir davantage, à connaître de nouvelles personnes et surtout, je commence à plaire. Je ne comprends pas vraiment pourquoi, parce que j’ai toujours l’impression d’être cette fille au corps d’éternelle adolescente. Je me demande ce que les autres peuvent bien me trouver. J’ai quand même encore droit à des réflexions de la part de certains garçons, qui me demandent régulièrement, sans pression, si je compte un jour me faire refaire les seins. Et puis des réflexions de la part de mes “amies” filles aussi. Comme quoi mon corps serait resté bloqué au stade de l’adolescence, qu’heureusement que j’étais encore un peu jolie sinon ce serait chaud d’avoir aussi peu de seins. Et à cet âge-là, mon poids a également commencé à devenir un sujet central dans les discussions, que ce soit de la part de mes proches ou de gens que je ne connaissais pas. Les gens se permettent de constamment me faire des réflexions sur le fait que je ne mange pas assez, ou au contraire que c’est étonnant que je mange autant vu mon poids, qu’il faudrait que je mange plus de burgers et de pizzas quand même, qu’il faudrait que je me remplume. “Mais t’es anorexique ?” est une question qui revient fréquemment. Ces mots sont d’une violence sans nom. On me demande si je suis atteinte d’un trouble mental. On est en train de me dire que j’ai l’air d’être malade. On me dit de dégrader mon hygiène de vie, en mangeant des choses grasses et mauvaises pour la santé, tout ça pour gagner quelques kilos, parce que mon corps ne convient pas.
“Mais t’es anorexique ?” est une question qui revient fréquemment. Ces mots sont d’une violence sans nom. On est en train de me dire que j’ai l’air d’être malade.
Je commence alors à regarder fréquemment “comment prendre du poids” sur Internet. Apparemment on appelle ça des surgimes. Plusieurs repas par jour, manger le maximum qu’on peut, tout le temps. Sauf que je n’y arrive pas, je n’ai pas faim à longueur de journée et je suis incapable de me forcer. Mon poids commence à devenir une obsession. Je me pèse souvent, dès que je prends quelques centaines de grammes, je suis surexcitée. Sauf que je les perds très vite, ce qui me rend encore plus malheureuse. Je me suis fixée comme objectif d’atteindre le seuil des 45 kg. Je n’ai encore jamais réussi à les atteindre. Je vacille entre 39 et 41 kg.
A chaque fois que je vais dans les magasins pour m’acheter des habits, je repars déprimée. Leur taille la plus petite, le XS, est 4 fois trop grand pour moi. Très souvent, je pleure en rentrant à la maison et me hais encore un peu plus. Ce n’est pas seulement moi qui ne me trouve pas belle, c’est aussi la société qui me dit qu’il n’y a pas de place pour les personnes comme moi, celles qui ne sont pas dans la norme.
Très souvent quand je vais sur les réseaux sociaux ou quand j’entends des femmes parler, j’entends dire que “les vrais hommes aiment les femmes qui ont des formes”, que “y’a que les chiens qui aiment les sacs d’os”. Je vois, j’entends, que les femmes minces et maigres, y compris moi, sont rabaissées pour leur poids. On leur envoie en pleine figure qu’elles ne sont pas belles, qu’elles sont anorexiques, qu’il y a un problème avec leur corps. Déjà à cet âge, je sais très bien que ce sont des femmes mal dans leur peau qui font ces critiques, parce qu’elles-mêmes ont dû faire face aux remarques et aux moqueries. Et quelque part, le fait de voir ou entendre ce genre de commentaires me fait également détester les femmes avec des formes, les femmes plus grosses que moi, parce que leurs mots me font mal. Ça me rend triste, parce qu’en plus de me renvoyer une image de “fausse femme” et d’être rabaissée, je me dis qu’on pourrait plutôt toutes se soutenir au lieu de faire du mal aux autres, sous prétexte qu’on nous en a fait aussi.
Les médecins continuent de me faire des réflexions, alors qu’ils·elles sont des professionnel·le·s de la santé qui devraient être bienveillant·e·s et sans jugement. A chaque fois que je m’y rends, on me fait une remarque sur mon poids. Elle peut être faite sous forme d’humour, en me disant, lorsque je viens pour une gastro qui m’a fait perdre plusieurs kilos en quelques jours, “ ah oui à ce stade, la prochaine fois que tu perds du poids tu perds une côte”. Ou alors, elle peut être faite avec remontrance : ”Il va pas falloir que vous alliez au-dessous de ce poids hein. Hein ? Nan mais sûr hein ? Faut que vous fassiez attention”, comme si j’étais une enfant, alors que je me haïssais déjà chaque jour un peu plus pour mon poids.
J’ai 20 ans. Je vis de plus en plus mal ma pilosité. Je dois m’épiler très fréquemment, tant je ne supporte pas le regard et les réflexions des autres. Toutes les femmes autour de moi ont moins de poils, toutes les femmes que je vois dans les médias sont imberbes (même celles qui s’épilent dans les pubs pour des rasoirs). Je décide donc de passer à l’épilation définitive, pour être plus tranquille. Tous les deux mois, je me rends en institut et on passe une petite machine à lumière pulsée sur mes jambes, mes aisselles, le maillot. Je souffre tellement à chaque fois. C’est comme si on me brûlait la peau avec une cigarette, pendant 30 minutes. Mais, comme on dit, “il faut souffrir pour être belle”. On remarquera que le masculin de cette phrase n’existe pas. Comme si nous étions les seules à devoir souffrir, parce que nous sommes les seules pour qui il est absolument nécessaire d’être belles.
J’ai 21 ans. Ça fait maintenant quelques mois que je vois quelqu’un, qui me dit tous les jours qu’il me trouve belle et qu’il trouve que mon corps est parfait. Il me dit qu’il aime ma silhouette fine, qu’il aime ma poitrine, qu’il la trouve parfaite. Je m’excuse de devoir laisser pousser mes poils entre chaque séance d’épilation définitive, il me dit que je n’ai pas besoin de m’excuser, car ce n’est pas important. J’ai du mal à croire ce qu’il me dit, je ne comprends pas vraiment comment il peut me trouver belle. Ses mots me renvoient à ce que me disaient mon premier copain par rapport à mes seins, que leur taille ne le “dérangeait pas”. Lui me dit simplement qu’ils sont beaux et qu’il les aime. J’ai commencé à avoir davantage confiance en moi avec lui. Mais lorsque je ne suis pas avec lui, ma haine de moi-même revient aussi violemment qu’avant. Mon image de moi-même dépendant, une fois de plus, de quelque chose d’extérieur à moi. Pour une fois, cette image est positive, mais elle ne suffit pas à m’aider à m’accepter.
J’ai commencé à avoir davantage confiance en moi avec lui. Mais lorsque je ne suis pas avec lui, ma haine de moi-même revient aussi violemment qu’avant.
Un soir, nous sortons manger, je décide de mettre un haut un peu moulant, sans soutien-gorge. J’hésite tellement longtemps devant mon miroir, à ne pas savoir si je vais oser. Je décide finalement de me lancer, car je serai avec une personne de confiance. Une fois au restaurant, je n’ose pas enlever ma jaquette et je garde mes bras repliés sur moi toute la soirée. Je pense constamment au fait que je suis mal à l’aise et que les gens vont finir par se rendre compte de mon imposture : je n’ai pas de seins. Comme si le fait d’avoir mis un soutien-gorge aurait pu faire illusion. Plus tard, lorsque je rentre chez moi, je pleure, une fois de plus. Parce que j’ai passé ma soirée à me sentir mal, parce que je me rends compte une fois encore que malgré ce qu’on a pu me dire de positif sur moi et malgré le fait d’avoir cru pouvoir un jour réussir à m’accepter, je ne suis pas belle et je ne réussirai jamais à avoir une quelconque valeur à mes yeux.
J’ai 22 ans. C’est l’été, j’ai terminé l’épilation définitive et il ne me reste que très peu de poils sur les jambes et les aisselles. Je continue quand même d’épiler les quelques poils qu’il me reste, car je continue d’être mal à l’aise lorsqu’ils poussent et qu’ils sont visibles par les autres. Aujourd’hui, j’ai décidé de mettre un t-shirt avec des bretelles qui se croisent dans le dos. Je ne peux donc pas mettre de soutien-gorge basique, autrement il se verrait sous mon t-shirt. J’essaie tous les soutien-gorge possibles, mais aucun ne va. Je décide alors, courageusement, de ne pas porter de soutien-gorge aujourd’hui. C’est un peu difficile, mais ce t-shirt n’est pas collé à la peau, donc il laisse deviner ma poitrine, mais pas assez pour que je me sente mal à l’aise. J’ose désormais de plus en plus sortir sans soutien-gorge. C’est à la fois une façon de me libérer des normes sociales qui me dictent de couvrir ma poitrine (qui pourtant me disent aussi qu’elle est inexistante) et une façon de m’accepter davantage. J’arrête peu à peu de cacher ce que je hais tant chez moi.
Aujourd’hui
Aujourd’hui, j’ai 25 ans. 13 ans après mes premiers complexes sur mes seins, mon poids et mes poils. 13 longues années passées à haïr mon corps et tout ce qu’il représentait. 13 années pendant lesquelles je rêvais de changer ce que j’étais, 13 années pendant lesquelles les réflexions et critiques me rendaient malade. Aujourd’hui, je n’ai plus peur du regard des autres sur mon corps. Je continue d’avoir peur de mon propre regard, car il n’est pas toujours très bienveillant, mais je ne porte plus d’importance à ce que les autres ont à dire sur mon corps. Je connais déjà toutes les critiques, je suis déjà consciente de toutes les parties de mon corps que la société essaie de me faire haïr. Et, chaque jour, je dois me battre pour réussir à me dire que je suis belle exactement comme je suis et je dois me battre pour ne pas retourner dans mes travers et la haine de moi-même. J’ose désormais laisser mes seins libres sous mon t-shirt un peu transparent ; certain·e·s trouvent ça vulgaire, d’autres ne se privent pas de me faire des réflexions, mais pour moi c’est un symbole de liberté et d’acceptation. J’ose les montrer l’été à la plage, je ne suis plus gênée de devoir me déshabiller. J’ose mettre des robes courtes qui laissent voir mes jambes très fines, mettre des t-shirts courts qui laissent parfois apparaître mes côtes. J’ose laisser pousser les poils qu’il me reste, sans me soucier de ce que l’on pensera de moi et je n’ai plus peur de mes “poils de garçon” qui sont sur mes bras. Depuis, au fil des années, j’ai gagné un peu de cellulite sur mes fesses et sur mes cuisses et je ne me soucie pas de la cacher. Maintenant, lorsque je fais du sport, je le fais pour ma santé et pour ne pas avoir mal au dos (oui en fait mon corps a plutôt 80 ans que 25), plutôt que pour ressembler au standard de beauté des années 2017–2019, qui voudrait qu’on soit musclé·e·s pour être belles et beaux. Ça fait maintenant plusieurs années que je ne me pèse plus et que j’ai arrêté de faire une obsession sur mon poids. Et non, je n’ai jamais réussi à atteindre les 45kg tant souhaités, mais ce n’est pas grave.
Aujourd’hui, je refuse de pleurer une fois de plus à cause de ce que la société me renvoie comme image de moi-même.
Et, surtout, aujourd’hui j’ai de la bienveillance envers chaque corps, peu importe sa forme, peu importe son poids, sa couleur, son âge, son genre. Je suis arrivée au stade où je pense sincèrement que chaque corps est beau tel qu’il est. Je garde évidemment des préférences personnelles, comme tout le monde, mais je reste convaincue que chaque personne est objectivement belle à sa façon et jamais je ne me permets un seul jugement. Lorsque j’entends des gens se moquer, faire des réflexions, se permettre de dire que tel habit ne va pas à telle personne, je leur dis que chacun·e fait ce qu’il·elle veut et que ce serait bien d’arrêter de juger les autres. Parce qu’être solidaire, c’est ça. C’est arrêter de juger les gens pour ce qu’ils·elles ne contrôlent pas et c’est les défendre et refuser de rentrer dans le jeu du jugement.
Aujourd’hui, je refuse de pleurer une fois de plus à cause de ce que la société me renvoie comme image de moi-même.
Chanceuse dans ma souffrance
Aujourd’hui, je suis également consciente que, malgré les complexes que j’ai eus et contre lesquels je me bats encore, je fais tout de même partie des gens minces, qui sont valorisé·e·s dans notre société. Ça fait également partie du problème, car à cause de ça les gens se permettent des réflexions et si j’ose me plaindre, on va délégitimer ma souffrance. Mais je fais quand même partie des chanceux·euses. Oui, malgré tout ce que je vous ai énoncé plus haut, malgré toute la douleur que j’ai ressentie pendant 13 longues années, je fais partie des personnes qui ont la chance d’être minces. Parce que même si je suis confrontée aux critiques et au rabaissement, je ne suis pas victime d’une discrimination systémique (= relatif à un système dans son ensemble). C’est comme dire que les hommes sont victimes de discrimination, mais pas de sexisme, car ce n’est pas inscrit dans le système qu’ils seront discriminés parce qu’ils sont des hommes. Alors que les femmes seront discriminées parce qu’elles sont des femmes et les personnes non-binaires discriminées parce qu’elles sont non-binaires. Ici, c’est la même chose. Je peux me retrouver discriminée, mais ce n’est pas inscrit dans le système qu’on va m’accorder moins de valeur parce que je suis mince, qu’on va me refuser un job parce que je suis mince ou qu’on va me maltraiter médicalement parce que je suis mince.
Parce que même si je suis confrontée aux critiques et au rabaissement, je ne suis pas victime d’une discrimination systémique
Ici, je n’essaie pas de tirer la couverture sur les personnes maigres ou minces en disant qu’elles vivent des choses difficiles, en comparaison aux autres. J’essaie juste de rendre visible mon vécu, d’apporter une visibilité aux personnes qui sont dans cette situation et qui le vivent mal. Parce que personnellement, je ne me sens pas visible. Je ne vois jamais de personnes à la toute petite poitrine dans les films ou magazines, je ne vois jamais des personnes avec des poils au bras, ou des personnes dont on voit les os sous la peau. Je vois de plus en plus de personnes grosses, de personnes racisées, de femmes et personnes queer, qui sont visibilisées. Et ça me touche énormément, tant c’est important et essentiel. Cependant, j’en veux plus. Il est nécessaire que la diversité soit représentée dans son ensemble, sous toutes ses formes, partout. Dans les médias, sur les réseaux sociaux, sur les podiums des défilés de mode, partout.
Plus de visibilité, please !
Je veux qu’on visibilise davantage chaque spécificité que le corps humain a à offrir, car cette invisibilisation tue. “Ah ça y’est tout de suite les grands mots, qu’est-ce que tu peux être dramatique quand tu veux”. Elle tue, parce qu’elle nous conforme à une vision parfaite et impossible à atteindre de ce que nous devrions être. L’apparence physique fait partie des premières causes d’exclusion, à 39% (The 2013 National School Climate Survey). L’association pour la prévention de phénomènes de harcèlement a mené une étude, dont il résulte que 61% des élèves victimes de harcèlement, lié à leur apparence, qui ont été interrogés disent avoir des idées suicidaires, à cause de leur harcèlement. Certain·e·s passent d’ailleurs régulièrement à l’acte. Alors peut-être serait-il temps de montrer davantage la diversité, de davantage s’accepter, afin de pouvoir, enfin, accepter les autres aussi.
On nous apprend depuis toujours à haïr notre corps, à vouloir le changer, le transformer, l’améliorer. Et vous savez qui ça arrange qu’on se déteste autant ? Les grandes industries. Comment vivraient les marques de thé detox qui donnent la diarrhée, sans notre envie de maigrir ? Comment vivrait l’industrie des cosmétiques qui empoisonnent notre peau, sans notre besoin de cacher chaque imperfection ? Comment vivraient celles et ceux qui possèdent les entreprises de soutien-gorge qui nous serrent, qui nous font mal, sans notre envie d’avoir les seins toujours plus gros, toujours moins tombants ? Comment vivrait l’industrie de la chirurgie esthétique si on ne cherchait pas constamment la jeunesse éternelle et la perfection ? Les grandes industries n’existeraient pas. Alors, autant continuer à nous bombarder de fausses images de personnes parfaites, ça fait vendre et ça fait de l’argent. Enfin, nous ça nous fait perdre de l’argent, en nous donnant l’illusion que ça nous fait gagner de la confiance en soi. Et au final, ne vaut-il pas mieux perdre quelque chose de matériel, si ça signifie gagner quelque chose d’aussi essentiel que l’acceptation et l’amour de soi ?
Alors, autant continuer à nous bombarder de fausses images de personnes parfaites, ça fait vendre et ça fait de l’argent.
Sauf que ce n’est pas de la réelle acceptation. Tant qu’on cachera tout ce qu’on hait de nous, nous ne serons pas en accord avec nous-mêmes. Et tant qu’on ne verra pas davantage de diversité, nous ne pourrons pas nous sentir légitimes d’exister tel·le·s que nous sommes.
Et tant qu’on ne verra pas davantage de diversité, nous ne pourrons pas nous sentir légitimes d’exister tel·le·s que nous sommes.
J’ai très souvent vu des comptes Instagram Body Positivity qui ne montraient qu’une seule partie de la population. J’ai également lu beaucoup d’articles comme quoi certaines personnes n’avaient pas leur place dans ce mouvement, notamment les personnes minces, parce qu’elles sont privilégiées. Il est normal de vouloir avoir un espace pour montrer et voir des personnes qui nous ressemblent, parce que ça fait du bien. Mais est-il nécessaire d’entrer dans le jeu de l’exclusion, sous prétexte que l’on a soi-même été exclu·e ? C’est exactement le même enjeu que dans toutes les luttes. On n’y arrivera jamais si on continue d’exclure.
Et il est important que nous soyons toutes et tous entendu·e·s à ce sujet, il est important que nous nous laissions chacun et chacune le droit d’être mal à l’aise avec notre corps et surtout, que nous nous laissions le droit d’en guérir.
Chaque personne sur cette Terre a des complexes. Chaque personne a quelque chose à redire sur son corps, quelque chose qu’elle n’aime pas. Même la personne qui, selon moi, sera parfaitement dans la norme, détestera au moins l’un des parties de son corps. Et il est important que nous soyons toutes et tous entendu·e·s à ce sujet, il est important que nous nous laissions chacun et chacune le droit d’être mal à l’aise avec notre corps et surtout, que nous nous laissions le droit d’en guérir.
Un projet photo sur l’acceptation et l’amour de soi
Partant de ce constat, que les normes nous touchaient toutes et tous et que nous étions chacun et chacune en proie à des doutes et insécurités concernant notre corps, j’ai voulu, en partenariat avec quelqu’un qui a la même vision des choses (et qui m’a beaucoup aidé dans mon acceptation grâce à sa bienveillance), créer un projet photo ayant pour but de montrer la beauté de la diversité des corps. Le but ici est de prendre en photo une ou plusieurs parties qui ont complexé ou complexent encore les participants·es·x, afin de les aider à aller au-delà de leur(s) complexe(s) et de montrer que chaque corps est différent, mais qu’il n’en est pas moins beau pour autant.
Ce projet s’adresse à tout le monde. Nous avons pris la décision de ne pas nous focaliser sur une seule partie de la population, car l’inclusion est quelque chose qui est primordial pour nous. Nous avons envie de montrer que, peu importe qui l’on est, nous avons été et sommes encore victimes de cette société qui aimerait nous faire croire que nous sommes des êtres imparfaits qui avons constamment besoin de nous améliorer pour avoir un peu de valeur. Et nous avons beau avoir des différences, nous sommes unis·es·x dans cette lutte pour l’amour de soi.
Si tu as envie de participer, ou alors si tu veux juste avoir davantage d’informations sur comment le projet va se dérouler, tu peux cliquer ici.
Et nous avons beau avoir des différences, nous sommes unis·es·x dans cette lutte pour l’amour de soi.
Nous sommes conscient·e·s de la difficulté de s’exposer, c’est pourquoi cette démarche se fait dans une extrême bienveillance. Nous allons nous-mêmes nous photographier et exposer ce que nous avons toujours détesté chez nous, mais que nous essayons aujourd’hui d’aimer, malgré les difficultés.
Donc si tu as envie de voir à quoi ressemblent mes poils de garçons, n’oublie pas de suivre notre projet quand il démarrera ! 😉
Si tu as la moindre question, tu peux aussi me contacter personnellement (si tu ne sais pas qui je suis tu peux demander mon contact à l’équipe Be You Network 😊).
Et pour finir, un petit bonus Body Positivity !
Je t’ai fait beaucoup de suggestions, mais je t’invite à toutes les regarder, pour voir à quel point les problématiques rencontrées sont infinies et à quel point la diversité est belle.
Et je t’invite bien évidemment aussi à chercher les comptes Instagram qui te font du bien (au lieu de suivre uniquement des comptes qui essaient de nous vendre la perfection et qui font du mal à notre amour pour nous-mêmes) et d’autres qui montrent des corps différents du tien et des réalités différentes de la tienne, pour que ton œil s’habitue à voir des gens de la vraie vie, et que tu puisses développer ta bienveillance envers chaque corps, peu importe à quel point il s’éloigne de tes représentations de ce que la norme corporelle doit être.
- I Weigh Ce mouvement a été créé par Jameela Jamil et a pour but d’encourager les gens à déterminer leur valeur à travers leurs attributs positifs et non leur poids.
- Bodyposipanda Megan Jayne Crabbe a lutté contre l’anorexie et est désormais une figure extrêmement importante du mouvement Body Positivity.
- DouzeFevrier Le 12 février 2013, Julie Bourges est victime d’un grave accident, qui lui a brûlé le corps à 40%. Elle encourage sa communauté à assumer son corps
- Watchshayslay Shay Neary est une femme transgenre, modèle grande taille, qui raconte son quotidien au travers de portraits vrais.
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- Theeverymanproject Projet qui encourage les hommes à embrasser leur vulnérabilité et à se détacher de la masculinité toxique.
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- Mamacaxx Mama Cāx est une femme en situation de handicap, qui parle de son parcours jusqu’à l’amour de soi.
- TaoPorchonLynch100 Täo Porchon-Lynch est une preuve vivante que l’âge est juste un numéro. À 99 ans, elle détient quelques records assez inspirants, dont la plus ancienne professeure de yoga (elle pratique tous les jours) et la plus ancienne danseuse de salon (elle a commencé à faire de la danse à 87 ans).
- Radhikasanghani Radhika Sanghani encourage les gens à aimer leur grand nez.
- The_feeding_of_the_fox Une Femme queer en situation de handicap, qui est anti régime et qui fait preuve de beaucoup de compassion, jamais dans le jugement.
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